- Alors, la plupart des lecteurs te connaissent juste en tant qu'auteur de Mathieu Hidalf … pourrais-tu nous parler un peu de toi et de ce que tu fais dans la vie ?
Il ne passe pas un jour, depuis deux ans et demi, sans que Mathieu Hidalf fasse un détour dans un coin de ma tête ! Il occupe donc une grosse partie de mon temps ! À coté de ce travail d’écriture, j’aimerais, idéalement, travailler dans l’univers du livre. J’ai fait un stage, il y a un an, avec l’éditorial de Casterman jeunesse, éditorial avec lequel je continue de travailler et d’apprendre aujourd’hui, tout en gardant le temps nécessaire pour écrire. Non seulement ce travail me plait, mais il me paraît, en plus, très enrichissant pour un jeune auteur. Je suis également inscrit à l’université, où j’aimerais finir prochainement mon Master. Mais, cette année, le temps me file entre les doigts !
- Je ne vais pas te demander de raconter une énième fois ton histoire très particulière avec les éditions Gallimard Jeunesse … mais peux-tu nous dire ce que tu ressens à la sortie du tome 2 de ta saga qui rencontre déjà un franc succès ! Quelle est ta réaction face à lui ? Qu'est-ce que cela fait de travailler avec de grands auteurs et d'en recevoir des éloges ? ( je pense à Timothée …)
La sortie, c’est évidemment cet instant merveilleux où des lecteurs s’approprient Mathieu. Sa parution est une joie, une page qui se tourne, mais cette page qui se tourne fait moins de bruit, dans ma poitrine, que le tumulte incessant qui m’a agité pendant deux années de travail.
Au sujet du succès que tu évoques, la plus belle des récompenses, à mes yeux, c’est d’abord cette collaboration avec Gallimard jeunesse. D’ailleurs, les bons débuts du tome 1 sont le fruit du travail de nombreuses personnes ! D’un point de vue plus personnel, c’est évidemment quelque chose de particulièrement fort de savoir que des lecteurs « rencontrent » Mathieu et son univers. Par contre, le fait que Mathieu soit une longue série ne laisse pas beaucoup de temps pour regarder derrière soi. Mon travail et ma passion, c’est d’écrire, et ce qui compte le plus, actuellement, à mes yeux, c’est d’achever le troisième tome des aventures de Mathieu.
Tu me demandes quelle est ma réaction quand je travaille avec de grands auteurs. J’ai d’abord la chance que l’un de mes deux éditeurs soit également un grand auteur de la maison : il s’agit de Jean-Philippe Arrou-Vignod. Lorsque nous travaillons ensemble, il est évidemment un éditeur. Mais lorsque je rencontre des problèmes véritablement liés à l’écriture, en deux ou trois mots, l’auteur qu’il est me rassure plus facilement. Par ailleurs, c’est bien sûr merveilleux pour moi de rencontrer des auteurs dont j’entends parler, parfois, depuis l’enfance ! Quand je rencontre Timothée de Fombelle, Erik L’Homme et Jean-Philippe Arrou-Vignod, j’ai le sentiment que doit avoir Mathieu lorsqu’il regarde son album de l’école de l’Élite, à la page des Élitiens ! Leurs encouragements ont bien sûr une grande valeur à mes yeux.
- Peux-tu nous parler de la naissance de ce cher Mathieu et ses aventures ?
Mathieu Hidalf est un personnage qui est né lorsque j’avais treize ans, et je serai bien incapable de dire d’où il est sorti à cette époque-là. C’était un fanfaron, un bel homme, un Élitien déjà : un James Bond dans un roman de fantasy. Le second Mathieu Hidalf, le seul pour moi à présent, est né pendant l’été 2009. Je voulais réécrire une série jeunesse, je piétinais, lorsque j’ai eu, soudain, deux idées. L’une m’a aidé à structurer mon récit autour d’un élément majeur : il s’agissait du cycle des bêtises d’un enfant qui saboterait, année après année, l’anniversaire de son roi. L’autre idée m’a permis de trouver le ton des aventures de Mathieu. Il s’agit du contrat « Bougetou » et de la rivalité avec M. Rigor Hidalf, le père de Mathieu. Cette idée de contrat entre un père et son fils m’a beaucoup amusé. J’ai écrit le premier chapitre et j’ai couru chez ma grand-mère, où étaient réunis ce jour-là la plupart de mes petits cousins. Mathieu est né ce jour-là.
- Et ce Mathieu, un véritable antihéros mais au génie hors du commun pourquoi en faire un tel personnage ?
Un mes héros préférés est Calvin, de la BD Calvin et Hobbes, de Bill Watterson. Ce que j’aime particulièrement chez lui, c’est l’équilibre instable entre l’enfance et la précocité. Mathieu a quelque chose de ce mélange. Il est capable de se comporter comme s’il avait six ans, mais, l’instant suivant, il peut avoir un éclair de génie qu’un Élitien n’aura jamais. Par contre, l’intelligence de Mathieu n’est pas « classique », ce dont il se plaint volontiers ; il ne saura sans doute jamais la Constitution des Élitiens sur le bout des doigts, comme Juliette d’Airain ou Pierre Chapelier. Son intelligence est dans l’audace, dans l’imagination, dans une certaine insouciance des risques et des enjeux. Dans une salle de classe, Mathieu serait sans doute en échec. Je ne sais d’ailleurs pas pourquoi il est ainsi ; parfois, votre personnage vous échappe. Souvent, en pleine écriture, je m’arrête et je pense : « Non, Mathieu ne ferait pas ça ! Il trouverait quelque chose de plus fort ! » Alors, je patiente, j’enrage, je menace mon écran, jusqu’au moment où j’ai l’impression que c’est bien Mathieu qui a eu une idée, et pas moi qui la lui ai soufflée.
- Mathieu fait partie de la fratrie Hidalf qui bien sûr se dispute mais reste très soudée contre leur père … comment t'y est-tu pris pour mettre en œuvre cette fraternité ?
Dans la suite des aventures de Mathieu, on découvre que le serment Papa en nage n’a pas été inventé par Mathieu et par ses sœurs. Tous les Hidalf, de père en fils et de père en filles, se transmettent ce serment, qu’ils oublient peu à peu en devenant adultes. Et chaque fratrie l’enrichit à sa manière. Évidemment, Mathieu et les Juliette resteront comme la fratrie la plus inventive de l’histoire des Hidalf ! Ils ont rédigé des Constitutions entières, conservées chez un notaire ! C’est ce que j’aime chez Mathieu et les Juliette ; ils sont, dans la vie de tous les jours, comme tous les frères et sœurs. Mais, lorsque l’un d’eux est menacé, ils deviennent aussi soudés que les doigts d’une seule main. Le premier article du serment Papa en nage résume tout : « Seule la fratrie Hidalf a le droit de s’attaquer à la fratrie Hidalf. »
- J'en viens donc à, question classique, te demander si tu incorpores à tes livres des éléments vécus ?
Il y a bien sûr une part de mon vécu dans Mathieu. Cette part de vécu, c’est d’abord ce qui me pousse à écrire. Si quelque chose d’intime ne me liait pas à la famille Hidalf, mon travail n’aurait aucun sens. Mais, contrairement à mes premiers écrits, le vécu n’est jamais retranscrit fidèlement. Il y a dans Mathieu une part de mes désirs, de mes rêves, de mes doutes. Mais elle est noyée dans la féérie et la fiction.
- D'ailleurs Mathieu semble très attaché à Bougetou, cet étonnant animal à quatre têtes … as-tu toi-même un chien ?
Curieusement, je pense que je suis plus attaché à Bougetou que Mathieu ne l’est lui-même ! Je n’ai pourtant jamais eu de chien pour ma part (disons que, contrairement à Mathieu, je n’ai jamais réussi à convaincre mes parents d’élaborer un contrat à ce sujet.) Une chose que j’adore, avec ce colosse à quatre têtes, c’est qu’il est finalement le membre le plus ordinaire de la famille Hidalf.
- Dans ce tome 2, on découvre mieux l'école de l'Elite … comment cette école extraordinaire a-t-elle vu le jour ?
J’ai lu pour la première fois Peter Pan il y a quelques mois. Ce livre est une merveille. Lorsque Peter approche pour la première fois de l’île Imaginaire, en volant, je crois me souvenir que la nuit devient d’un coup plus inquiétante, que le regard de Peter change, qu’il se passe quelque chose de magique, d’incontrôlable entre l’île et lui. Je vois l’école de l’Élite comme l’île Imaginaire ; c’est à la fois un lieu merveilleux, magique, et un lieu étrangement menaçant, incontrôlable. Tout peut y arriver. L’école de l’Élite a par ailleurs quelque chose qui me touche particulièrement ; la seule règle qui soit inscrite dans le marbre est la suivante : « Il est interdit d’y mourir. » Pour tout le reste, les enfants sont libres. Un autre point commun avec les enfants perdus de Peter Pan !
- L'univers de la saga semble tout droit sorti d'un recueil de contes: est-ce un genre auquel tu es attaché ?
Le conte est un genre qui m’émerveille. Son apparente et trompeuse simplicité est remarquable. J’ai d’ailleurs fait mon mémoire de Master 1 sur les contes de Perrault... et j’aime assez l’idée que Mathieu Hidalf ait lu ces mêmes contes, écrits par une repoussante « grand-mère édentée ». Le conte de fées, c’est curieusement une passerelle entre l’univers de Mathieu et notre société. Dans les deux premiers tomes, je pense que les clins d’œil à Charles Perrault se comptent par dizaines ! Et il m’arrive souvent de lire et relire des contes ou de regarder un extrait de Walt Disney avant de me mettre à écrire, comme pour faciliter le passage du monde réel à celui de l’imagination.
- Le tome 3 pourrait sortir à l'automne 2012, es-tu en droit de nous en parler un peu ?
Le tome 3 devrait paraître à l’automne, oui ! L’extrait situé à la fin du tome 2 donne déjà quelques informations ; dans le tome 3, il fera un froid de loup !
Plus sérieusement, Mathieu va se retrouver dans une situation très délicate… Il sera en difficulté comme il ne l’a jamais été dans les deux premiers tomes. Et, surtout, il va être plongé dans l’école de l’Élite, avant la rentrée, presque seul : son rêve (et le mien !) Mais un événement va survenir, peu après son arrivée, qui va progressivement transformer ce rêve en cauchemar.
- Comme je vais aussi publier une interview du dessinateur des couvertures … as-tu quelque chose à dire sur ce sujet ? Qu'en penses-tu, as-tu un mot à dire dans la réalisation des couvertures ?
Le plus étonnant, c’est que je n’ai jamais rencontré Benjamin Bachelier ; mais je suis très heureux qu’il ait accepté d’illustrer Mathieu. Pour moi, c’était un moment particulièrement angoissant. Voir son propre personnage prendre forme, ce n’est pas quelque chose d’évident. Une chose est certaine, les couvertures de Benjamin Bachelier sont une vraie réussite, on me le dit à chaque salon ! Personnellement, j’aime particulièrement le mur de ronces. Un petit plus étonnant ; beaucoup de personnes trouvent que je ressemble à Mathieu, surtout lorsque j’étais enfant. C’est un pur hasard !